Fondée en 2012, l’Ecole Arc-en-ciel est un établissement scolaire situé à Roubaix et dirigé par Alexandra Pichard, 38 ans, et Alice Fertein, 33 ans, deux jeunes mamans converties à l’Islam.

C’est le site de Nordéclair qui a relayé l’information : cette école parentale, hors contrat, accueille depuis deux ans une vingtaine d’enfants dans des classes mixtes. La particularité de cette école est qu’elle se repose sur la méthode Maria Montessori, une pédagogie conçue par la célèbre pédagogue italienne qui accordait une place importante à l’éveil à la foi et l’autonomie de l’enfant.

La page Facebook de l’école reprend le parcours ainsi que le programme des enfants durant l’année scolaire: ateliers manuels, sorties au musée ou à la ferme, activités sportives… et propose également un enseignement religieux du Saint Coran. Les frais de scolarité de cette école s’élèvent à 2 000 euros.

L’école Arc-en-ciel propose également des journées portes-ouvertes sur rendez-vous, mais non mixte: ainsi il existe des créneaux différents pour les femmes et les hommes.

L’école ne dénie pas les matières académiques : les matières principales telles que le français l’anglais ainsi que les sciences seront toujours enseignées, au même titre que l’arabe ainsi que l’art islamique.
L’établissement a choisi très naturellement d’appliquer le Coran et la Sunna du prophète Muhammad (sallallahu alayhi wa salam).
Sur la liste des fournitures scolaires, les parents devront prévoir un jilbab pour les filles et un qamis pour les garçons.

Plus tard, les deux mamans fondatrices se verraient bien être à la tête d’un collège non mixte.

Nul besoin d’être enseignant titulaire d’un concours de l’Education Nationale pour enseignant dans des écoles hors contrat. Selon le Code de l’éducation, le diplôme minimal requis dans le premier ou second degré est le diplôme du baccalauréat. Seule la formation Montessori est exigé afin d’enseigner dans ces institutions.

L’école bénéficiera de quatre “accompagnatrices” qui viendront suivre les 38 écoliers attendus à la rentrée 2014, et dans deux niveaux : 3-6 ans et 6-12 ans. Les écoliers viennent de toute la France : de Marseille en passant par Lyon … « Des gens déménagent pour scolariser leur enfant chez nous », se félicite Alexandra Pichart.

Les établissements hors contrat ont beau être indépendants, ils doivent malgré tout répondre à un certain nombre d’exigences, et ceci sous le contrôle de l’académie.
« On s’assure en premier lieu que l’enfant n’est pas mis en danger sur le plan des bâtiments ou de l’hygiène. Ensuite, on s’assure que le cadre de l’obligation scolaire est respecté »; précise le rectorat.
Par ailleurs, la ville est intervenue dans le cadre de la commission de sécurité (comme tout bâtiment public) et a donné un avis favorable à l’ouverture des locaux.

Ci-dessous l’interview d’Alexandra Pichard et Alice Fertain, deux mamans musulmanes qui ont fondé l’école Arc-en-ciel.

Comment est née l’école Arc-en-ciel ?

Avec plusieurs mamans nous avons choisi de faire l’école à nos enfants. Ils n’ont jamais fréquenté l’école classique. Nous avions envie d’une pédagogie différente et de préserver nos enfants de la violence de la société. Beaucoup de mamans musulmanes qui portent le voile se sentent exclues des écoles classiques alors qu’elles aimeraient s’investir et participer aux sorties pédagogiques. Ici, elles se sentent à l’aise.

Vous avez toutes les deux fréquenté « l’école de la République », quelle image en gardez-vous ?

Alexandra : Une catastrophe ! J’ai fréquenté le public et le privé. J’ai été en échec scolaire très jeune. J’ai quitté l’école à 15ans pour faire de l’apprentissage. Dans mon histoire de maman, j’ai eu peur que mes enfants ne soient pas entendus comme je l’ai malheureusement éprouvé. Cela a nourri chez moi une méfiance à l’égard du système éducatif.

Alice : J’ai gardé de bons souvenirs mais j’ai détesté le « par cœur ».

Êtes-vous soutenues par une mosquée ou une organisation ? Qui paye l’école ?

Pas du tout. Nous sommes très attachées à notre liberté et surtout à notre pédagogie. On a eu des propositions mais on ne veut pas perdre le contrôle. Si on avait voulu se raccrocher à une mosquée, on n’aurait peut-être pas pu s’épanouir de cette manière-là. Ce sont les parents qui payent l’école.

La place de la prière ?

Quand c’est l’heure de la prière, les enfants sont invités à y aller mais ce n’est pas une obligation. Nous, on y va. Ils sont libres de nous suivre.

Alexandra, vous étiez coiffeuse pour une célèbre maison de coiffure parisienne dans votre vie d’avant, pourquoi ce virage ?

Mon voile. J’arrivais devant le salon, j’étais voilée, je me dévoilais pour travailler. Je n’étais plus en accord avec moi-même. Ensuite je me suis mariée, j’ai eu des enfants, et j’ai eu envie de pratiquer pleinement. Mais il m’arrive encore de rêver de mon métier…

Pourquoi l’Islam ? Parlez-nous de votre conversion.

J’étais en quête. J’ai été élevée dans le catholicisme, j’ai fait ma communion. La foi était là. Mais il me manquait des choses. L’Islam a été une révélation à 20 ans. De là, j’ai annoncé à mes parents que je voulais revenir chez eux et me convertir. Quand j’ai vu que c’était compliqué pour eux, j’ai décidé de m’installer à Paris, je savais que je pourrais explorer ma religion comme j’en avais envie.

Et pour vous Alice ?

Mes parents sont instituteurs. Et j’ai toujours voulu enseigner mais mon père me disait souvent de choisir un autre métier. J’ai eu un bac scientifique, puis un Deug math-informatique avant de passer le concours d’orthophonie auquel j’ai échoué. Avant de me lancer dans cette école, je donnais des cours autour de moi. Je me suis convertie à l’âge de 21 ans. J’ai grandi dans une famille catholique pas spécialement pratiquante. À la mort de mon grand-père qui avait vécu au Maroc, j’ai retrouvé un Coran dans ses affaires. Je l’ai pris et je l’ai lu en cachette.

Vous portez le jilbab, est-ce qu’il symbolise quelque chose ? Comment vos familles le perçoivent ?

Non, c’est juste pratique parce que faire tenir un voile avec des épingles qui vous piquent le cou toute la journée, c’est pénible. Et on peut s’habiller comme on veut en dessous. Il n’y a pas de signe politique ou intégriste derrière ça. Mais le voile est très difficile à accepter pour nos proches. Le choc des cultures s’ajoute à de nombreux amalgames. Nous avons porté le voile avant de nous marier, ce ne sont pas nos maris qui nous l’ont imposé.
C’est une question qui revient sans cesse. Mais on n’ignore pas que certaines femmes subissent des choses.

Quel courant de l’Islam suivez-vous ?

On suit le Coran et la voie du prophète (sallallahu alayhi wa salam). Je ne fréquente quasiment pas les mosquées en dehors de l’Aïd. Il y a beaucoup de mouvances dans l’Islam… Chacun suit son chemin, son histoire. C’est compliqué, on est tous pris dans cette difficulté.

Sur le compte Facebook de votre association, un internaute parle des écoles laïques comme des «écoles de mécréants» qui «incitent les enfants à l’homosexualité». Est-ce votre état d’esprit ?

Nous le découvrons. Nous ne sommes pas dans la tête des parents. On essaie toujours de ne blesser personne avec nos convictions. Il est clair que le débat sur la théorie du genre a bousculé la communauté musulmane. Dans nos familles, même s’il n’y a pas de tabou sur les sujets de société, on ne tient pas à ce que nos enfants fréquentent des écoles où sont enseignées des choses qui nous échappent. Parler de l’homosexualité à des enfants, ce n’est pas le rôle de l’école.

Est-ce que la méthode Montessori est compatible avec l’Islam ?

Absolument. Maria Montessori était de confession catholique mais elle a travaillé avec les enfants du monde entier et de toutes les confessions. Dans son approche, l’enfant est universel. Sa pédagogie permet une réelle ouverture d’esprit là où notre société met malheureusement les enfants musulmans à l’écart. Et dans la méthode Montessori, l’adulte n’est pas celui qui sait tout.

C’est la pédagogie avant la religion ?

La religion, on la porte sur nous. Et l’école, on a choisi d’y intégrer une pédagogie. Ce sont les deux à la fois. Mais on ne forme pas des petits intégristes !

Au nom de l’Islam, certains s’en prennent à des minorités ethniques et religieuses en Irak notamment, qu’est-ce que cela vous inspire ?

Ce sont des choses qui nous dépassent. Ce sont des gens égarés qui s’autoproclament guides au nom d’on ne sait quoi et qui sacrifient des innocents. Tout ça fait beaucoup de tort aux musulmans.

Pourquoi les musulmans de France et d’Europe ne se dressent pas contre toute cette haine ?

On va se dresser comment ? Nous ne sommes qu’une minorité. On ne connaît déjà pas assez notre religion, comment voulez-vous qu’on intervienne, qu’on change le monde ?

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