Cet article a été publié le 7 octobre 2015 sur le site du quotidien israélien Haaretz. L’une des journalistes, Amira Hass a longtemps été correspondante à Gaza et dans les territoires occupés. Préoccupée par les conditions de vie des Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie, elle n’a de cesse de dénoncer la précarité de leur situation.

[Ne manquez plus aucune info et rejoignez vite HBK sur Facebook en cliquant ICI ! ]

Dans ce long pamphlet, elle décrit ce que probablement beaucoup d’israéliens pensent mais n’osent clamer tout haut.
Tel un doigt accusateur, la narratrice impute à l’état sioniste la responsabilité de la flambée de violence dont le point culminant reste les incessantes agressions et provocations contre une population démunie.
Sa longue diatribe certes, vaut tout de même la peine d’être lu jusqu’au bout, elle traduit mot pour mot ce que chacun de nous pense au plus profond de lui-même.

« Que nous remarquions qu’il y a une guerre que lorsque des juifs sont assassinés n’enlève rien au fait que des Palestiniens se font tuer tout le temps.

Oui, il y a une guerre, et le Premier ministre Benjamin Netanyahu, avec son mandat du peuple, a ordonné qu’elle s’intensifie. (…) Netanyahu intensifie la guerre principalement à Jérusalem-Est, avec des orgies de punitions collectives. Il révèle ainsi qu’Israël a réussi à déconnecter physiquement Jérusalem de la plus grande partie de la population palestinienne, soulignant l’absence d’une direction palestinienne à Jérusalem-Est et la faiblesse du gouvernement de Ramallah – qui tente d’enrayer la dérive dans le reste de la Cisjordanie.

La guerre n’a pas commencé jeudi dernier, elle ne commence pas avec les victimes juives, et elle ne prend pas fin quand plus aucun juif n’est assassiné. Les Palestiniens se battent pour leur vie, dans le plein sens du terme. Nous, juifs israéliens, nous battons pour notre privilège en tant que nation de maîtres, dans la pleine laideur du terme.

Que nous remarquions qu’il y a une guerre que lorsque des juifs sont assassinés n’enlève rien au fait que des Palestiniens se font tuer tout le temps, et que tout le temps, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour leur rendre la vie insupportable. La plupart du temps, il s’agit d’une guerre unilatérale, conduite par nous, pour les amener à dire « oui » au maître, merci beaucoup de nous laisser en vie dans nos réserves. Quand quelque chose dans l’unilatéralité de la guerre est perturbé, et que des juifs sont assassinés, alors nous accordons notre attention.

Les jeunes Palestiniens ne vont pas se mettre à assassiner des juifs parce qu’ils sont juifs, mais parce que nous sommes leurs occupants, leurs tortionnaires, leurs geôliers, les voleurs de leur terre et de leur eau, les démolisseurs de leurs maisons, ceux qui les ont exilés, qui leur bloquent leur horizon. Les jeunes Palestiniens, vengeurs et désespérés, sont prêts à donner leur vie et à causer à leur famille une énorme douleur, parce que l’ennemi auquel ils font face leur prouve chaque jour que sa méchanceté n’a pas de limites.

Même le langage est malveillant. Les juifs sont assassinés, mais les Palestiniens sont tués et meurent. Est-ce vrai ? Le problème ne commence pas avec le fait que nous ne sommes pas autorisés à écrire qu’un soldat ou un policier a assassiné des Palestiniens, à bout portant, quand sa vie n’était pas en danger, ou qu’il l’a fait par télécommande, ou depuis un avion ou un drone. Mais c’est une partie du problème. Notre compréhension est captive d’un langage censuré rétroactivement qui déforme la réalité. Dans notre langage, les juifs sont assassinés parce qu’ils sont juifs, et les Palestiniens trouvent leur mort et leur détresse, parce ce que c’est probablement ce qu’ils cherchent.

Notre vision du monde est façonnée par la trahison constante par les médias israéliens de leur devoir de rapporter les événements, ou leur manque de capacité technique et émotionnelle à contenir tous les détails de la guerre mondiale que nous sommes en train de conduire afin de préserver notre supériorité sur le territoire entre le fleuve et la mer.

Pas même ce journal n’a les ressources économiques pour employer 10 journalistes et remplir 20 pages d’articles sur toutes les attaques en période d’escalade et toutes les attaques de l’occupation en période de calme, depuis les fusillades lors de la construction d’une route qui détruit un village jusqu’à la légalisation d’un avant-poste colonial et à un million d’autres agressions. Chaque jour. Les exemples pris au hasard que nous arrivons à rapporter ne représentent qu’une goutte dans l’océan, et ils n’ont aucun impact sur la compréhension de la situation par la grande majorité des Israéliens.

Le but de cette guerre unilatérale est de forcer les Palestiniens à renoncer à leurs exigences nationales dans leur patrie. Netanyahu veut l’escalade parce que jusqu’à maintenant, l’expérience a prouvé que les périodes de calme après le bain de sang ne nous ramènent pas à la ligne de départ, mais plutôt rabaissent à un niveau toujours plus bas le système politique palestinien, et ajoutent aux privilèges des juifs dans un Grand Israël.

Les privilèges sont le principal facteur qui déforme notre compréhension et notre réalité, en nous aveuglant. À cause d’eux, nous échouons à comprendre que même avec une direction faible, « présente-absente », le peuple palestinien – dispersé dans ses réserves indiennes – n’abandonnera pas, et qu’il continuera de puiser la force nécessaire pour résister à notre maîtrise malveillante.
»

Source: Haaretz

Traduction : JPP pour le Collectif Solidarité Palestine de Saint-Nazaire

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît tapez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici