La crise des migrants a fait couler beaucoup d’encre. Après le gigantesque élan de solidarité face à la détresse humaine, la routine a remplacé la compassion des débuts.
Pourtant le macabre décompte des morts s’égrène au fil des jours dans l’indifférence générale.

Le cimetière de Lesbos est complet, il ne peut plus accueillir « les corps des réfugiés échoués » titrait le journal L’Express, le 5 novembre 2015.
Une fatalité obscène et qui résume bien la situation de ces milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont tout quitté pour un meilleur avenir.
En 2018, plus de 2.260 migrants se sont noyés en tentant de traverser la Méditerranée. En 2017, ils étaient 3.139 morts ou portés disparus, indique le HCR sur son site internet. Un prix bien trop cher à payer et qui rebute les migrants qui sont désormais beaucoup moins nombreux à quitter la guerre ou la misère.

Depuis le début de l’exode migratoire, plus de 34.000 âmes ont péri aux larges des côtes européennes. Responsables de cette tragédie, les conflits bien sûr mais aussi les nombreuses mesures protectionnistes censées lutter contre l’immigration illégale.
Gardes aux frontières, patrouilles en mer, édification de murs, l’Europe s’imperméabilise et espère protéger «ses» intérêts alors qu’elle est frappée de plein fouet par diverses crises.
Ces flux migratoires sont appréhendés au même titre que le terrorisme et font l’objet des mêmes mesures de restriction. L’accueil des migrants sur le vieux continent est difficile à envisager sans craindre le pire, pauvreté, choc culturel, menace ..

Dès le début de l’afflux massif des réfugiés, plusieurs pays européens tentent d’enrayer l’hémorragie. Ainsi en 2007, l’Espagne diffuse des vidéos au Sénégal pour convaincre les migrants de rester chez eux.
Des années plus tard, la situation est tout aussi tragique. À Lesbos ou Lampedusa, il y a parfois plus de migrants que d’habitants sur l’île. Si cette invasion a énormément inquiété les habitants, aujourd’hui, ils se réjouissent de voir débarquer les réfugiés sains et saufs.
Cette vision cauchemardesque de ces corps échoués sur les rives a totalement éclipsé toute hostilité et rancœur.
La population participe activement aux sauvetages. Les rescapés sont hébergés et soignés et les morts enterrés.

Des tombes sans nom, anonymes, un phénomène perçu comme un manque de respect dû au défunt, a déclaré le président grec, Prokópis Pavlópoulos.
Depuis, les initiatives se sont multipliés pour honorer les morts. Le village de Tarsia en Italie (2000 habitants) a proposé d’offrir une part de son territoire pour la création d’un cimetière international des migrants, afin de « leur donner de la dignité, au moins dans la mort [car] voir tous ces cercueils et tous ces gens sans nom, parce qu’ils ont été enterrés et continuent d’être enterrés avec un numéro, est inhumain » a clamé Roberto Amerusa, maire du village de Tarsia. En Sicile, un monument aux migrants anonymes décédés en mer a été érigé dans le cimetière de la ville de Catane.

Après l’indifférence, la compassion et l’empathie sont à l’ordre du jour.

The Guardian au Royaume-Uni, Der Tagesspiegel en Allemagne et Il Manifesto en Italie, trois quotidiens qui ont décidé de rendre une part de leur dignité à ces milliers d’âmes. Ils ont publié la liste compilée par l’ONG néerlandaise United for intercultural action reprenant les noms de tous les migrants décédés.
Le 22 juin dernier, le quotidien Il Manifesto a publié un supplément de 56 pages sur «Le nom, le pays d’origine, la fin du voyage» de chaque migrant mort noyé dans la Méditerranée ces 15 dernières années.

Le titre : 34 361, celui des “victimes de la forteresse Europe”, se passe de commentaire.
L’édition parait quelques jours avant la tenue d’un “mini-sommet européen d’urgence” consacré à la politique migratoire de l’Europe, en pleine crise.

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