Islamophobie soutenue par l’État : Israël qualifie la présence musulmane en Europe de « véritable visage de la colonisation »

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Un groupe de manifestants vu tenant une banderole s’opposant à l’islamophobie lors de la manifestation. Divers groupes antiracistes se sont réunis dans le centre de Londres pour une manifestation « Stop The Hate » le 16 mars 2024.

Le rôle d’Israël en tant que l’un des principaux contributeurs à la montée de l’islamophobie mondiale a été mis en évidence cette semaine lorsque l’État qui se proclame juif, fondé sur le nettoyage ethnique et le colonialisme de peuplement, a décrit la présence des musulmans en Europe comme le « véritable visage de la colonisation ».

Cette déclaration incendiaire est apparue dans un tweet du compte Twitter officiel du gouvernement israélien en langue arabe. Faisant référence à l’augmentation du nombre de mosquées en Europe, passées de moins de 100 en 1980 à plus de 20 000 aujourd’hui, la publication a présenté cette présence démographique et religieuse comme une menace imminente.

Le tweet d’Israël a ensuite décrit les mosquées comme des foyers de violence et de haine, et les musulmans comme une population ingrate et hostile, les accusant de constituer une « cinquième colonne » au sein des sociétés européennes.

« En 1980, il n’y avait pas plus d’une centaine de mosquées en Europe. Aujourd’hui, il y en a plus de 20 000. C’est le véritable visage de la colonisation », affirmait le tweet.

Alors que le tweet du gouvernement israélien présente la croissance de la population musulmane en Europe comme une menace et l’étiquette comme « le véritable visage de la colonisation », les faits racontent une autre histoire. Selon le Pew Research Center, les musulmans ne représentent que 4,9 % de la population européenne, soit environ 25,8 millions de personnes réparties dans 30 pays. Même dans les scénarios de forte migration, les projections pour 2050 estiment la part des musulmans dans la population européenne à tout au plus 14 %, soit toujours une minorité.

Les affirmations selon lesquelles les communautés musulmanes représenteraient une menace inhérente ne sont étayées par aucune preuve. Statistiquement, le nombre de musulmans impliqués dans des actes terroristes est infime, et aucune donnée crédible ne suggère une propension disproportionnée à la violence. Présenter des millions de musulmans comme une « cinquième colonne » revient à confondre des incidents isolés avec une communauté religieuse entière une généralisation dangereuse qui alimente la haine et la violence à l’encontre de toute une population.

La déclaration du compte israélien émanant d’un État responsable de décennies d’occupation militaire, de déplacements forcés, d’apartheid et de génocide a suscité une condamnation immédiate. Des observateurs ont souligné la ressemblance glaçante entre la rhétorique israélienne et la théorie raciste du « Grand Remplacement », promue par des groupes d’extrême droite en Europe et en Amérique du Nord. Cette idéologie accuse les immigrés non blancs, en particulier les musulmans, d’éroder l’identité et la civilisation occidentales.

Le tweet n’est pas un cas isolé. Israël et les organisations alignées sur le sionisme jouent depuis longtemps un rôle central dans l’infrastructure de l’islamophobie mondiale. De plus en plus de recherches mettent en lumière les moyens par lesquels des donateurs pro-israéliens, des think tanks et des groupes de lobbying financent la propagande anti-musulmane sous couvert de sécurité nationale ou de lutte contre l’extrémisme.

Le Middle East Forum, un think tank pro-israélien basé aux États-Unis, a par exemple apporté un soutien financier et juridique à Tommy Robinson, figure d’extrême droite notoire qui a bâti sa carrière sur l’incitation à la haine contre les musulmans au Royaume-Uni. Le Clarion Project et le Gatestone Institute tous deux connus pour propager des théories du complot anti-musulmanes sont également étroitement liés aux réseaux de plaidoyer pro-israéliens.

Un rapport publié en 2021 par le Council on American-Islamic Relations (CAIR) a documenté plus de 105 millions de dollars de financements provenant de fondations américaines, entre 2017 et 2019, à destination d’organisations islamophobes. Beaucoup de ces organisations sont liées à des donateurs sionistes ou se présentent comme défenseurs d’Israël tout en diabolisant l’islam et les musulmans.

Ce chevauchement idéologique entre le soutien à Israël et le racisme anti-musulman est devenu une caractéristique majeure du discours d’extrême droite en Occident. Il sert à légitimer à la fois les répressions intérieures visant les musulmans et la complicité internationale avec l’apartheid israélien.

La présentation par le gouvernement israélien de la présence musulmane en Europe comme une « colonisation » contraste fortement avec la propre formation d’Israël. Les communautés musulmanes en Europe se sont en grande partie développées à travers la migration postcoloniale, le recrutement de main-d’œuvre et l’asile, notamment dans les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Ces mouvements n’ont pas impliqué de saisie de terres ni de déplacement des populations locales, et rien ne prouve que ces communautés aient cherché à exercer une domination territoriale ou politique exclusive.

En revanche, le mouvement sioniste en Palestine visait explicitement à créer un État juif séparé et exclusif. Au début du XXe siècle, les Juifs représentaient environ 5 % de la population en Palestine. À la fin du mandat britannique en 1948, ce chiffre avait atteint près de 40 %, porté par des vagues successives d’immigration juive européenne. Les sources archivistiques et universitaires montrent que cette transformation démographique s’est accompagnée de déplacements massifs de la population autochtone palestinienne, ainsi que d’un effort coordonné pour établir un État à majorité juive.

La Nakba de 1948, au cours de laquelle plus de 750 000 Palestiniens ont été déplacés de force et plus de 400 villages dépeuplés ou détruits, demeure un événement fondateur de l’histoire palestinienne. Les droits des Palestiniens au retour, reconnus par le droit international, ont depuis été niés, tandis que les activités de colonisation et l’occupation militaire israéliennes continuent de modifier le paysage démographique et territorial des territoires occupés.

La présentation par le gouvernement israélien des musulmans d’Europe comme une force colonisatrice s’aligne ainsi sur les récits d’extrême droite et occulte les réalités historiques du colonialisme de peuplement en Palestine. L’utilisation d’un tel langage par un compte officiel d’État illustre la normalisation de la rhétorique islamophobe dans le discours politique israélien.

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