La salle d’audience du tribunal correctionnel de Paris s’est transformée en salle de théâtre pour la comédie de l’année : le procès de Jawad Bendaoud. Vendredi 26 janvier s’est déroulée la troisième journée du procès de l’hébergeur des terroristes des attentats de Paris du 13 novembre.

La question centrale du procès : Jawad Bendaoud était-il au courant du projet terroriste des deux personnes qu’il a hébergées dans le squat qu’il louait à Saint-Denis ?

L’ambiance dans la salle est tendue, entre menaces de l’accusé et démonstrations de force des avocats de la partie civile. Jawad Bendaoud, devenu célèbre pour son intervention sur BFM TV où il explique qu’il a « rendu service », fait le show entre débit de parole digne d’un rappeur, métaphores sans queue ni tête et déclarations ahurissantes.

Alors qu’il risque jusqu’à six ans de prison et qu’il doit convaincre et persuader la présidente Isabelle Prévost-Desprez ainsi que les familles des victimes, Jawad se lance dans des propos surréalistes :

Nan mais franchement vous pensez vraiment que si j’avais su que j’avais des terroristes à la maison, je serai rentré tranquillou chez moi comme je l’ai fait ce soir-là, petit sandwich Escalope-Boursin et petit film Netflix?

Encore un petit peu de gastronomie :

On m’a vendu un bœuf bourguignon, j’ai fini avec un couscous (…) Personne ne m’a mis au courant. Sur la tête de mon fils, je ne savais pas que c’était des terroristes.

Il cite JoeyStarr :

C’est comme si [JoeyStarr] rejoignait Daech. Ça a très peu de chances d’arriver.

Et même Snoop Dogg :

Comme si vous me disiez que Snoop Dogg fait des soirées avec Ben Laden.

La présidente reste de marbre et tente de recentrer le débat :

On va laisser Joeystarr en dehors de tout ça.

Jawad parle tellement vite que plus personne ne comprend vraiment ce qu’il dit. En quelques minutes, il a évoqué une fille mariée au frère du footballeur Lassana Diarra, Snoop dogg et Ben Laden. Il en vient lui-même à perdre le fil : « Excusez-moi madame, j’en étais où ? »

Il explique alors que son cerveau ne tourne pas rond :

Madame ça fait 27 mois que je suis à l’isolement, mon cerveau il me joue des tours.

Le prévenu avait avant cela montré de l’agressivité envers la partie civile :

Vous êtes un voleur de mobylettes ! (…) Je sais pas ce que vous essayez de faire (…). Attention à ce que vous dites (…). Vous essayez de faire quoi? Parce que moi je vais venir vous voir à votre cabinet !

Avant d’ajouter :

« Vous êtes atteint psychologiquement », « Comment vous avez le culot de porter cette robe ? », « Retourne à ta place, je ne parle pas avec toi »

Ces attaques lancées à Me Georges Holleaux, avocat des parties civiles ont fait réagir ses confrères qui se sont levés sans hésitation. La défense fait de même, l’audience est suspendue par la présidente et ne reprendra qu’une heure plus tard.
Même le procureur avait eu le droit à une remarque déplacée lorsqu’il l’interroge sur le caractère suspect des terroristes :

Je vais parler avec vous, je vais voir que vous êtes un peu efféminé, je vais me dire que vous êtes homo.

A la reprise de l’audience il lance donc des propos venus de l’espace et s’enfonce :

J’étais en train de danser sur Les magnolias de Claude François quand il y a eu les attentats du Stade de France. Un pote me dit il y a un attentat au Stade de France.

Il tente de s’expliquer sur son activité digne d’un Airbnb clandestin :

Madame il y avait un billet à prendre, je ne vais pas cracher dessus, même si c’est 20 euros.

Il raconte ses relations avec les femmes et la drogue :

J’ai une petite information à vous donner. J’ai trompé ma femme avec une copine. Le 13 novembre, elle m’annonce qu’elle est enceinte. Les jours après, j’ai passé le temps à me défoncer car je sais pas comment je vais gérer le problème.

Il explique les faits avec une totale décontraction lorsque la présidente lui demande « quand Mohamed Soumah vous appelle le soir du 17, vous êtes où ? » :

Je suis formel, j’étais dans ma salle de bain, tout nu et rempli de mousse.

Après la gastronomie, il parle de son style vestimentaire :

C’est la veste que je portais quand Abdelhamid Abaaoud est arrivé chez moi, c’est pour cela que je l’ai mise aujourd’hui.

Jawad Bendaoud est tout de même sérieux sur un point:

Moi ça me choque de voir des gens blessés venir mais si on cherche à me responsabiliser, à dire que je suis le responsable, je suis pas d’accord. Quand vous avez un mort sur la conscience vous n’avez pas envie d’en rajouter 130.

Est-ce une simple erreur de la part de Jawad Bendaoud ou une réelle complicité, Bilal Bley Mokono, une victime de l’attentat du stade de France répond :

Je pense qu’il fait une erreur. Qu’on soit impliqué de près ou de loin on a une responsabilité. J’aime ses propos quand il dit ‘si j’avais su, je vous le dirais’. On est responsable si on va au bout du process qui est de dire ‘j’accueille des gens chez moi’. Dans ce cas, on doit être capable à un moment de vérifier l’identité des personnes qu’on accueille.

La suite de ce feuilleton judiciaire reprendra lundi 29 janvier, à 13 h 30

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