D’après une enquête du magazine Slate, de nombreuses musulmanes voilées quitte la France pour trouver un emploi à la hauteur de leur qualification à l’étranger.

Il y a trois semaines, Lydia, 24 ans, reçoit un coup de fil. Chez elle, dans son lit, à Paris, elle apprend qu’elle a été sélectionnée pour faire partie d’un programme du CIEP (Centre international d’études pédagogiques). On lui propose un poste d’assistante de professeur de français dans la banlieue de Londres, indique Slate. Elle fait ses valises en catastrophe: «Le départ s’est fait vite mais je ne pouvais pas refuser cette opportunité. C’était mon ticket de sortie, celui que j’attendais depuis longtemps.»

Lydia est musulmane. En février 2015, elle a fait le choix de porter un foulard. Très vite, elle a été confrontée aux regards incessants dans la rue, aux remarques désobligeantes sur les réseaux sociaux… Puis, le ras-le-bol. «En France, je me sens observée comme dans un zoo. Qui aimerait vivre ainsi?», demande la jeune Franco-Algérienne.

Pour cette étudiante en master de lettres anglaises, trouver un travail a été un véritable défi. «Les seuls métiers que je pouvais faire, c’était vendeuse à H&M ou du babysitting. Pour un job étudiant, avec plaisir, mais ce n’est pas quelque chose que j’aimerais faire toute ma vie. J’ai quand même des ambitions.» Lydia a alors une prise de conscience: «Je me suis rendue compte que je ne pourrais pas avoir une carrière en France. L’exil était la seule solution pour vivre convenablement.»

Elle choisit l’Angleterre, un pays qu’elle connaît bien. En 2017, elle s’y était installée un an pour étudier à la faculté de Winchester. Le changement a été radical. «En Angleterre, le maître-mot est l’acceptation. En France, on t’accepte si tu ressembles à la majorité. Ce n’est pas comme McDonald’s, “venez comme vous êtes”, c’est venez comme nous voulons que vous soyez.»

Il est difficile d’avancer un chiffre précis, mais les femmes qui portent le voile sont nombreuses à partir pour le Royaume-Uni, notamment pour trouver du travail. Ce pays proche de la France est reconnu pour son multiculturalisme. «Londres n’a pas suivi cette tendance de régulation de la visibilité des femmes musulmanes, explique la docteure en sociologie Hanane Karimi, partisane d’un féminisme musulman. C’est une situation que l’on voit très peu en Europe.»

Réguler la visibilité des femmes musulmanes

Ces femmes, pour certaines nées en France, qui ont y vécu, grandi et étudié, ressentent l’irrémédiable besoin de quitter leur pays, effrayées notamment de ne pas pouvoir évoluer sur le plan professionnel. «L’islam est une nouvelle religion minoritaire qui apparaît dans l’espace public et qui vient perturber les représentations collectives. Historiquement, si l’on pense aux croisades, l’islam, c’est l’autre dangereux. S’ajoute à partir des années 1970, une actualité terroriste. On voit alors dans la présence musulmane française un danger islamiste national et mondial», explique Hanane Karimi.

La réaction des gouvernements successifs va être de «réguler voire d’interdire l’apparence de cette visibilité religieuse». Et les femmes portant le foulard, les plus visibles dans nos sociétés, vont faire les frais de ces lois qui vont limiter leurs libertés.

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