L’avocat d’une lycéenne placée en garde à vue pour apologie du terrorisme a saisi le conseil des Droits de l’homme de l’ONU pour l’alerter sur « une dérive inquiétante concernant le traitement pénal des mineurs en France » dans le cadre de « la lutte antiterroriste ».
Dans une lettre adressée vendredi à la présidente du conseil onusien, Elisabeth Tichy-Fisslberger, Me Nabil Boudi demande qu’elle « rappelle à la France son devoir de respecter les engagements internationaux auxquels elle s’est soumise », indique Sud Ouest.
Bien sûr, son avocat condamne fermement les propos de sa jeune cliente, mais il appelle, dans une requête envoyée jeudi au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, la justice des mineurs à ne pas renier ses grands principes.
« Réactions disproportionnées à l’égard des enfants »
« L’esprit de la justice pénale des mineurs en France, écrit-il, a depuis l’ordonnance de 1945, été de faire prévaloir le principe de l’éducation sur celui de la répression et de consacrer un autre principe, celui de l’atténuation de la responsabilité pénale. » « Une sanction « disciplinaire » aurait été d’après le pénaliste « mieux adaptée ».
Me Boudi estime que sa cliente « n’a pas reçu un traitement pénal adapté et différent de celui qui est réservé aux majeurs pour des infractions similaires ». « L’état de psychose généralisé » suscité par les récents attentats en France « conduit les autorités à adopter des réactions disproportionnées à l’égard même des enfants », regrette-t-il, « faisant peser une menace considérable sur les droits qui leur sont garantis ».
Des enfants de 10 ans en garde à vue
Shoaib, Mohamed Emin, Emira ont 10 ans et ont passé onze heures au commissariat pour « apologie du terrorisme » lors de l’hommage à Samuel Paty. François Bonnet de Mediapart a rencontré les familles de ces enfants et raconte cet emballement démesuré.
L’enseignant leur aurait notamment posé la question suivante : « Si je vous montre des caricatures, je vais être égorgé ? »
Le père d’un des enfants retenus par la police a dénoncé la force démesurée employée jeudi matin par la police pour venir chercher la fillette, qui est en classe de CM2. Sept ou huit hommes cagoulés font irruption dans le logement.
« Avant 7 heures, les policiers ont frappé de façon à quasiment casser la porte », se souvient le père franco-turc, encore sous l’état de choc.
« 10 policiers masqués et portant des armes longues sont entrées dans la maison », explique le parent se souvenant encore de l’agressivité et des cris des policiers.
« Ma fille de 10 ans a été accusée d’apologie de terrorisme, ils l’ont réveillée de son doux sommeil », note encore le parent se souvenant que les policiers leur ont ordonné de « tous s’asseoir ».
« Ils ont ensuite déclaré [Nous allons emmener [prénom de la fille]. Venez la chercher à 9 heures !], se souvient encore le parent.