«Chère cousine du bled, ta « Lettre ouverte à un candidat au djihad » publiée par Le Figaro le 25 juillet dernier (et consultable ici dans son intégralité) m’a interpellé. Je t’appelle « cousine » pour reprendre ce ton faussement bienveillant et assurément paternaliste que tu emploies, nous n’avons évidemment aucun lien de parenté… Dieu merci car j’aurais été inconsolable.

Gare aux illusions, tu risquerais (toi aussi) de te radicaliser

Sache, avant de balancer ton chat pour attraper le téléphone et prévenir la police, que je ne suis pas candidat au djihad. Je ne suis pas non plus détenteur d’un casier judiciaire noirci ni habité par une « haine » particulière envers la France. Pourtant, je ressens le besoin de te répondre. Tout comme toi, je ne te connais pas mais je devine beaucoup de choses à ton sujet. Faut dire qu’on a quelques points en commun qui m’aident à saisir ton regard biaisé : nous partageons la même année de naissance, la même origine et le même métier. Les similitudes s’arrêtent là.

Tu dis vouloir convaincre ton « cousin » de faire le bon choix mais tes méthodes empruntées produisent tragiquement l’effet inverse. Ta lettre ouverte, comme nombre de tes interventions médiatiques, suinte la haine de soi et la jalousie de celui qui louche sur les privilèges de l’autre, sans avoir conscience des efforts fournis. Ce sentiment auto-detructreur (mais néanmoins compréhensible) du blédard aigri qui fantasme sur la France, je le connais, ne t’inquiète pas. Ceci m’éclaire sur tes positions et tes choix de carrière douteux qui t’amènent à collaborer fièrement avec un média aussi moite et écervelé que Charlie Hebdo. Tout en profitant, avec les Sifaoui and co, d’une niche commerciale éhontée, tendancieuse, et pour le moins lucrative.

De « blédarde » à « bobo » sans passer par la case lucidité

Tu es née au bled, moi ici. J’ai grandi en banlieue et effectué toute ma scolarité en ZEP. Les conditions auxquelles j’ai dû faire face ne sont pas les mêmes que celles que tu as connues. Ni pires ni meilleures, juste différentes. La victimisation que tu pointes chez ton « cousin », c’est en fait la tienne. C’est toi qui idéalises une éducation républicaine que tu n’as pas reçue. Cherchant à émouvoir la place parisienne avec des « cours coraniques que tu vomis ». Alors que nous, cousine, on sait tous que ces cours religieux dont tu parles sont une base équivalente au catéchisme chez les chrétiens, ce qui n’empêche en rien de devenir athée ou agnostique par la suite, la preuve. On est donc loin de l’endoctrinement intégriste que tu veux faire croire. Si les écoles marocaines étaient des madrassa pakistanaises, ça se saurait. Malgré cela, tu uses et abuses de cette réplique pour attirer la compassion, en agitant ta marocanité comme si elle te donnait une quelconque légitimité à fabuler. C’est moche.

Quand je t’écoute ou te lis, j’ai l’impression d’être issu d’une génération de réfugiés politiques, de persécutés venus chercher l’asile et demander l’aumône. Or c’est loin d’être le cas. Tous les privilèges sociaux que tu évoques, nous y avons droit. Ce sont les fruits de la sueur et du sang de nos pères (et pas du tien en l’occurrence) qui ont oeuvré pour la France. Tu oublies que, dans les années 1960, les employeurs français sont venus chercher la main-d’oeuvre sur place. Sélectionnant les travailleurs candidats à l’émigration comme du bétail, en tâtant leurs épaules, leurs mains, leurs paumes, pour s’assurer de leur force de travail. Et que le maudit « Regroupement familial » a été pensé afin que « les enfants (d’immigrés) prennent la relève dans les usines » comme le déclarait en 1975 le Ministre de l’Intérieur, Michel Debré.

Nous autres, enfants d’immigrés de France, étions prévus pour remplir les usines mais comme l’industrie française s’est faite plier par la mondialisation, la donne a changé. Le chômage de masse apparait et voilà que surgit « l’islamisme et l’embrigadement des jeunes français » mais tu refuses d’y voir un lien de cause à effet. Tout comme tu ignores la richesse développée par les Marocains de l’étranger qui permettent, en autres, de soigner des proches dans ces dispensaires que tu fustiges, et dans lesquels tu n’as, à coup sûr, jamais posé un orteil.

Une question politique et sociale qui n’a rien à voir avec la religion

T’as beau t’appeler Zineb, et passer pour l’experte arabe de ta bande, tu ne connais ni les populations maghrébines de France, ni l’islam qu’ils pratiquent. Cela ne t’empêche pas de spéculer sur ce qui se dit dans les mosquées en parlant d’imam qui « explique qu’il faut battre ses femmes ». Tu es journaliste, n’est-ce pas ? J’aimerais que tu me donnes UN seul cas avéré d’imam français qui encourage la violence avec son épouse ou avec autrui. Tu chercheras, en vain… Car c’est comme la légende des « filles voilées de force », on en parle avec gourmandise sans être capable de fournir un misérable exemple sur le sol français. Ces pratiques existent à l’étranger, certes, mais jusqu’à preuve du contraire, pas sur notre territoire.

Ta boite à clichés a de la réserve, tu avais dis plus tôt que « l’islam n’est pas une religion de paix car c’est le dénominateur commun des terroristes ». Dénominateur commun… Moi c’est là que j’ai vomi, cousine. Pour une poignée de terroristes, tu n’hésites pas à condamner, au bas mot, 5 millions de Français de confession musulmane. Tu sais pertinemment que le vrai dénominateur commun c’est le passé carcéral et/ou les troubles mentaux, et (avant tout !) le manque d’éducation religieuse dans des conditions adéquates, c’est à dire en dehors des prisons et d’Internet. Les cours coraniques que tu vomis, d’autres s’en sont servis pour s’ouvrir au monde, et je reste persuadé que ces jeunes tentés par le djihad le seraient moins s’ils avaient bénéficié d’un enseignement religieux structuré dès leur plus jeune âge. Plutôt que de devoir gober, derrière les barreaux d’une cellule ou par wi-fi, une vision déformée de leur religion. La théologie, c’est comme le reste, on l’apprend enfant, et adulte on choisit.

Au milieu de ta condescendance pleine de ressentiments, j’ai trouvé quelques points d’accord. La beauté de la capitale et son arabophilie culturelle indéniable (celle qui a permis à tes collègues de te trouver sympatoche) ou l’instrumentalisation politique de l’antiracisme et la naïveté de leurs acteurs. Pour le reste, je t’invite à venir faire un tour en banlieue. Tu verras que les bobo parisiens n’ont pas le monopole du peace and love, et que la diversité, la vraie, c’est une réalité chez nous. En plus des Maghrébins, on trouve du Portugais, du Polonais, du Malien, du Sénégalais, de l’Indien, du chrétien, du juif, du musulman, du bouddhiste, du témoin de Jéhovah, de l’athée, et même des fans de Johnny… Allez Zineb, sors de ton cocon, on t’attend. »

Par Tarik Boukhatem (L’œil du BAT)

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