Ces parents apeurés qui apprennent à leurs enfants noirs et arabes à cohabiter avec la police

Pour FranceTvInfo, plusieurs familles noires et arabes ont accepté de témoigner de la façon dont ils éduquent leurs enfants à vivre avec les forces de l’ordre. Apeurés et inquiets, ces parents et grands-frères et sœurs apprennent aux plus jeunes à éviter au maximum tout contact avec la police.

Alexis, étudiant de 21 ans vivant à Reims, témoigne :

« J’enlève ma capuche, les mains de mes poches, je fais attention à ma démarche, à ne pas faire remarquer ma couleur de peau. » 

Malheureusement, ce genre de comportement est devenu monnaie courante. Et à juste titre puisqu’en 2017, Jacques Toubon, le Défenseur des droits, expliquait que les jeunes hommes « « perçus comme noirs ou arabes ont une probabilité 20 fois plus élevée que les autres d’être contrôlés » par la police.

Des parents inquiets qui transmettent cette peur à leurs enfants

Ayant grandi dans les quartiers de Reims, Alexis a toujours suivi les conseils de ses grandes sœurs et de ses parents :

« Mes grandes sœurs m’ont constamment mis en garde : ‘fais attention à ta façon de parler, ton regard, aie toujours ta carte d’identité sur toi, ne t’énerve pas face à des agents, ne fais pas de gestes brusques’… » énumère ce membre d’une fratrie de six enfants. « Fais tout pour éviter au maximum la police et que rien ne puisse se retourner contre toi. »

Nadège, sa grande-sœur de 30 ans, explique transmettre ce sentiment d’insécurité qui viendrait de ses parents :

« Mon père est arrivé en France dans l’illégalité à l’âge de 18 ans. Il s’est toujours senti en insécurité, soupçonné. Ses papiers ont toujours été une source de stress et d’angoisse énormes. Quand on marchait dans la rue, je le sentais toujours fébrile, tendu. Il n’a jamais eu confiance dans la police et nous l’a complètement légué. »

D’abord arrivé en Corse à l’âge de 16 ans, son père a traversé de nombreuses périodes difficiles entachées de racisme durant sa vie de jeune adulte.

« Ce n’était pas la région la plus accueillante pour les Maghrébins. Les contrôles étaient très réguliers. A l’âge où tu dois être insouciant, il était en vigilance extrême. Aujourd’hui, même s’il a la double nationalité, il a encore la peur du flic. C’est ancré en lui. »

« Je suis systématiquement inquiet pour mes petits frères »

Solal, 31 ans, originaire de Seine-Saint-Denis, explique de son côté :

« Je suis systématiquement inquiet pour mes petits frères et sœurs. Je sais qu’un contrôle peut devenir fatal à tout moment. »

Et d’ajouter :

« Une fois, mon frère a été arrêté alors qu’il se rendait au collège le matin, à cinq minutes de la maison. L’agent affirmait qu’il l’avait ‘mal regardé’. Le fait qu’il se permette de l’arrêter et de le ramener à la maison, c’est une forme d’intimidation, de harcèlement quotidien ! »

De son côté, Fatima Ouassak, cofondatrice du réseau Front de mères, explique que le contact avec les policiers est un réel « dilemme ». Ainsi, elle déclare, au nom des nombreux parents qu’elle rencontre :

« D’un côté, on veut protéger nos enfants, on a peur qu’ils soient blessés ou tués. Mais de l’autre, on veut leur apprendre à rester dignes, à ne jamais baisser la tête. Un enfant qui accepte d’être humilié ne s’en sortira pas dans la vie, ça le détruit psychiquement. »

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