« Pas une seule tonne » : le président colombien ordonne à la marine d’interdire les expéditions de charbon vers Israël.

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Le président de la Colombie, Gustavo Petro, s’adresse à la foule lors de la Journée internationale des travailleurs à Bogotá, en Colombie, le 1er mai 2024.

Le président colombien Gustavo Petro a intensifié sa protestation contre les opérations militaires d’Israël à Gaza en ordonnant à la marine d’intercepter et de bloquer toutes les expéditions de charbon quittant les ports colombiens à destination d’Israël. Cette décision intervient près d’un an après que son gouvernement a publié un décret officiel, en août 2024, interdisant les exportations de charbon vers Israël, une mesure destinée à exprimer le rejet par la Colombie de ce que Gustavo Petro a qualifié à plusieurs reprises d’« offensive génocidaire » contre la population palestinienne.

Malgré cette interdiction, qui comportait des exceptions limitées pour les contrats déjà approuvés et les cargaisons ayant obtenu le dédouanement, Gustavo Petro affirme que des responsables au sein de son propre gouvernement ont continué à autoriser les exportations de charbon, sapant ainsi la politique étrangère de son administration.

Jeudi 24 juillet, il a publiquement dénoncé cette désobéissance sur les réseaux sociaux, déclarant : « Ils ont encore fait partir un navire plein de charbon aujourd’hui, à destination d’Israël. Un défi à mon gouvernement. (…) La marine recevra un ordre écrit pour arrêter les navires à destination d’Israël. » Plus tard, il a insisté : « Pas une seule tonne de charbon ne doit quitter la Colombie pour Israël. »

L’ordre du président a ravivé les tensions avec des géants miniers multinationaux tels que Glencore, qui exploite Cerrejón la plus grande mine de charbon à ciel ouvert d’Amérique latine et la société américaine Drummond. Les deux entreprises ont défendu leurs activités en affirmant respecter les exceptions légales prévues dans l’interdiction initiale d’exportation. Cependant, Gustavo Petro accuse des manœuvres internes et la pression des entreprises d’avoir permis la poursuite illégale des exportations de charbon. « S’ils ne nous écoutent pas, alors ce gouvernement est un menteur », a-t-il averti, exprimant sa frustration face à ce qu’il considère comme de l’insubordination au sein de l’appareil d’État.

Gustavo Petro a également appelé la société colombienne à jouer un rôle plus actif. Il a exhorté la ministre du Travail, Gloria Inés Ramírez, à convoquer un dialogue d’urgence avec les syndicats du secteur charbonnier et a souligné la nécessité de consulter les communautés autochtones en particulier le peuple Wayúu, qui vit dans la région entourant la mine de Cerrejón, à La Guajira. « Une réunion devrait avoir lieu avec les autorités indigènes Wayúu et les autres communautés affectées par l’exploitation du charbon », a-t-il déclaré. Petro a souvent associé l’économie extractive de la Colombie à l’exploitation et à la marginalisation des populations autochtones, et sa politique d’exportation de charbon s’inscrit désormais à la croisée des enjeux environnementaux et des droits humains.

L’affrontement de Gustavo Petro avec Israël s’inscrit dans une rupture diplomatique plus large. En 2024, la Colombie a officiellement rompu ses relations diplomatiques avec Israël et suspendu tous ses achats d’équipements militaires israéliens. Gustavo Petro est devenu l’un des critiques les plus virulents du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu en Amérique latine, le qualifiant à plusieurs reprises de figure « génocidaire » et alignant la politique étrangère de la Colombie sur les appels internationaux à un cessez-le-feu et à la justice pour Gaza. Le 15 juillet, la Colombie a accueilli une réunion ministérielle d’urgence à Bogotá, réunissant des représentants de plus de 30 pays afin de coordonner une réponse régionale en soutien à Gaza. Cette même semaine, le palais présidentiel, la Casa de Nariño, était orné de drapeaux palestiniens un geste hautement symbolique reflétant la position résolument pro-palestinienne de Petro.

Parallèlement, l’industrie charbonnière du pays fait face à une forte pression économique. Selon les dernières données du PIB, le secteur minier colombien a enregistré une contraction pendant cinq trimestres consécutifs, le charbon étant l’une des ressources les plus touchées. Ce déclin est attribué non seulement à la baisse de la demande mondiale et des prix, mais aussi à la volonté de Gustavo Petro de faire évoluer l’économie colombienne vers les énergies renouvelables et de s’éloigner des combustibles fossiles. En mars 2025, Cerrejón a annoncé une réduction de plus de 50 % de sa production, invoquant des coûts d’exportation élevés et une incertitude réglementaire croissante.

Ce dernier développement place la Colombie dans une position unique à l’échelle mondiale : rares sont les gouvernements à avoir adopté une position aussi concrète et matérielle contre les actions d’Israël à Gaza. Alors que de nombreux pays se sont contentés de condamnations verbales, la Colombie fait partie des seuls à avoir mis en œuvre une sanction économique ciblée en l’occurrence, l’arrêt d’une exportation majeure.

Les décisions de Gustavo Petro sont controversées, tant sur le plan national qu’international. Ses détracteurs estiment que ses politiques isolent la Colombie et menacent des emplois dans des régions vulnérables. Ses partisans, eux, considèrent l’interdiction du charbon comme un acte courageux en faveur des droits humains et une remise en question nécessaire des industries extractives du pays. Alors que le conflit à Gaza se poursuit et que le charbon colombien reste au cœur du débat, le président Gustavo Petro s’impose comme l’une des voix les plus fortes pour Gaza sur la scène internationale utilisant non seulement les mots, mais aussi l’action politique.

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