Tunisie - Le président Kaïs Saïed s’attribue le droit de limoger les juges3

Des milliers de Tunisiens ont manifesté dimanche, quelques heures après que le président Kaïs Saïed a officiellement remplacé un chien de garde judiciaire et s’est donné le pouvoir de limoger des juges et de leur interdire de faire grève.

Quelques heures après la publication du décret tôt dimanche matin, plus de 2 000 manifestants se sont rassemblés dans le centre de Tunis, beaucoup brandissant des drapeaux et scandant des slogans en faveur d’un système judiciaire indépendant.

« Liberté ! Liberté ! L’État policier est fini », ont scandé certains.

Le décret de Saïed est intervenu une semaine après avoir annoncé qu’il dissoudrait le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), provoquant la fermeture des tribunaux à l’échelle nationale par des juges affirmant que cette décision porterait atteinte à l’indépendance judiciaire, indique Al-Monitor.

La décision de dimanche, établissant un nouveau « Conseil judiciaire suprême temporaire » de 21 membres – dont neuf sont nommés par le président – lui donne également le pouvoir de révoquer « tout juge qui manque à ses devoirs professionnels ».

En outre, « il est interdit aux magistrats de tous grades de faire grève ou de tenir toute action collective organisée qui pourrait perturber ou retarder le fonctionnement normal des tribunaux », lit-on.

En juillet dernier, Saïed a limogé le gouvernement, suspendu le parlement et saisi une série de pouvoirs avant de passer au pouvoir par décret, suscitant des craintes pour ce qui était considéré comme la seule démocratie à émerger des soulèvements du printemps arabe.

Saïed avait longtemps accusé le CSM de bloquer des enquêtes politiquement sensibles et d’être influencé par son ennemi juré, le parti d’inspiration islamiste Ennahdha.

Il a insisté sur le fait qu’il n’avait aucune intention d’interférer avec le système judiciaire, mais des groupes de défense des droits et des puissances mondiales ont critiqué sa décision.

La Commission internationale des juristes a déclaré dimanche que le décret « consolide le pouvoir entre les mains du président/exécutif et met effectivement fin à tout semblant d’indépendance judiciaire » en Tunisie.

« Cela ramène la Tunisie à ses jours les plus sombres, lorsque les juges ont été transférés et révoqués sur la base d’un caprice de l’exécutif », a déclaré la commission.

Jeudi, le CSM a indiqué dans un communiqué qu’il « rejette totalement l’utilisation de décrets pour enfreindre la structure constitutionnelle du système judiciaire » et que toute alternative n’aurait aucune base légale.

La prise de pouvoir de Saïed en juillet a été bien accueillie par de nombreux Tunisiens fatigués des partis politiques considérés comme corrompus et égoïstes, mais ses détracteurs l’accusent de ramener le pays vers l’autocratie.

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