
Depuis des décennies, la reconnaissance d’un État palestinien résonne dans les couloirs de l’ONU, sur les lèvres des politiciens et dans les foules. Cependant, cette reconnaissance n’est pas qu’un mot dans un communiqué ou une ligne dans les archives diplomatiques. Elle confère aux Palestiniens une existence juridique internationale, ouvre l’accès aux traités et organisations, et amplifie leur voix dans les forums mondiaux. Ainsi, chaque nouveau pays reconnaissant l’État représente un gain symbolique et moral non négligeable.
Pourtant, les Palestiniens savent par expérience que les mots peuvent masquer l’absence d’action. La reconnaissance seule n’arrête pas les bombardements à Gaza, ne gèle pas l’expansion des colonies en Cisjordanie, ni ne lève le siège sur Jérusalem. C’est pourquoi il est crucial de se demander : que signifie réellement cette reconnaissance ? Est-elle un pas vers un changement concret ou un prétexte pour certains pays occidentaux afin d’éviter des responsabilités plus lourdes ?
Reconnaissance : outil ou échappatoire
Il est facile pour un gouvernement occidental de déclarer : « Nous avons reconnu la Palestine. » Cette phrase est courte, percutante et apaise l’opinion publique, choquée par les massacres à Gaza. Cependant, elle coûte beaucoup moins que d’imposer des sanctions à Israël, de restreindre les exportations d’armes, ou de revoir les partenariats économiques.
Dans ce contexte, la reconnaissance agit comme une soupape politique : elle calme la pression publique, satisfait les médias, et donne l’impression de progrès, tandis que les politiques centrales restent inchangées. Pourtant, cette reconnaissance ajoute un point à la légitimité palestinienne. Si elle est utilisée avec prudence, elle peut se transformer en levier stratégique à long terme.
De plus, après des années de soutien inconditionnel à Israël, plusieurs capitales occidentales cherchent aujourd’hui à se revaloriser. Ainsi, la reconnaissance devient un outil de rebranding : le monde occidental se présente comme « arbitre honnête » ou « gardien du droit international ». Cependant, les actes restent limités : les phrases sur la solution à deux États se multiplient en conférences, sans mesures concrètes reliant l’aide militaire ou économique au comportement israélien.
Le poids réel de la reconnaissance
Certains pensent qu’Israël redoute toute reconnaissance palestinienne. En réalité, la situation est plus complexe. Les reconnaissances symboliques peuvent servir ses intérêts en donnant l’illusion d’un processus politique, tandis que la situation sur le terrain reste inchangée. Pour Tel-Aviv, ces gestes sont un écran de fumée qui cache l’occupation derrière la rhétorique d’une solution à deux États.
Néanmoins, plus les reconnaissances s’accumulent, plus elles créent un cadre juridique et politique favorable aux Palestiniens. Elles facilitent l’accès aux tribunaux internationaux, renforcent le récit historique palestinien, et ouvrent la voie à des revendications légales et économiques. C’est pour cela qu’Israël cherche à limiter la reconnaissance à un cadre symbolique et sans risque.
La reconnaissance d’un État palestinien a du poids, mais elle n’est pas suffisante. Elle ne remplace pas les droits fondamentaux, comme Jérusalem, la souveraineté complète ou le droit au retour. Ce qui est nécessaire, ce sont des mesures concrètes : arrêter l’expansion des colonies, lever le siège, et mettre fin à l’impunité. Liée à de vraies politiques, la reconnaissance peut devenir un levier vers la justice, la souveraineté et la liberté.


























