
Cette semaine, dix citoyens indonésiens parmi eux des célébrités comme Wanda Hamidah, Zaskia Adya Mecca et Ratna Galih ont atterri au Caire, non pas pour participer à un sommet politique, mais pour rejoindre la Marche mondiale vers Gaza. Ils ne portaient ni armes, ni agenda politique, seulement la conviction inébranlable que l’humanité doit parler là où le pouvoir est devenu muet. Ils sont venus marcher.
À la place, ils ont été surveillés. Contrôlés. Pratiquement détenus. Selon une déclaration publiée par Abdul Somad un prédicateur islamique largement respecté en Indonésie ces citoyens sont placés sous une surveillance étroite par les autorités égyptiennes et ne peuvent pas se rendre à Rafah. Abdul Somad a écrit sur Instagram que leurs téléphones sont surveillés, leurs déplacements suivis par des escortes policières, et que l’usage des réseaux sociaux pourrait entraîner leur arrestation.
Ces actions soulèvent une question glaçante à laquelle les gouvernements indonésien et égyptien doivent répondre : pourquoi les efforts humanitaires pacifiques sont-ils traités comme des conspirations criminelles ?
La Marche mondiale vers Gaza n’est pas une manœuvre politique. Elle constitue le dernier chapitre d’un cri mondial croissant contre les souffrances en Palestine une vague morale déclenchée par le Madleen, un navire humanitaire empêché d’atteindre Gaza. Lorsque le navire a été repoussé par la force militaire, son impact s’est fait sentir sur tous les continents. De la mer au désert, du bateau à la sandale, la conscience du monde marche désormais en avant.
Sous la chaleur écrasante du Sinaï, des milliers de personnes marchent vers Rafah le dernier passage vers Gaza, assiégée. Ce ne sont pas des diplomates. Ils ne portent aucun mandat gouvernemental. Ce sont des infirmiers, des retraités, des étudiants, des militants. Ils ne viennent pas protester contre une nation, mais protéger un peuple.
Pourtant, leurs pas ne rencontrent pas des bras ouverts, mais des portes closes. L’Égypte a répondu à cette marche par des arrestations, des expulsions et, dans certains cas, par la violence. Des vidéos virales montrent des militants y compris américains et européens harcelés près d’Ismaïlia. Une femme américaine aurait été battue et son hijab arraché. Le parlementaire irlandais Paul Murphy a été arrêté puis expulsé.
Et les citoyens indonésiens venus pour marcher, non pour faire la guerre sont désormais bloqués dans les limbes.
Ce qui rend cette tournure des événements particulièrement décourageante, c’est que, il y a à peine deux mois, le président indonésien Prabowo Subianto a rencontré le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi au Caire pour élever les relations entre leurs pays à un partenariat stratégique. La Palestine était au cœur de leurs discussions. Les deux dirigeants ont publiquement affirmé leur engagement commun à soutenir le peuple palestinien et à dénoncer l’agression israélienne.
Le président Prabowo Subianto à la tête d’un pays dont la constitution est explicitement liée à la lutte contre le colonialisme a clairement exprimé que l’Indonésie considère les souffrances des Palestiniens comme une injustice mondiale. Al-Sissi, dont le pays partage une frontière avec Gaza et joue depuis longtemps le rôle de médiateur, a souligné la nécessité de mettre fin à la destruction et d’engager une reconstruction humanitaire.
Mais si ces deux nations sont réellement alignées dans leur soutien à la Palestine, pourquoi alors des citoyens indonésiens pacifiques sont-ils surveillés, retardés et empêchés d’exprimer cette solidarité ?
C’est la question à laquelle les gouvernements indonésien et égyptien doivent répondre non seulement aux militants, mais aussi à leurs peuples. La diplomatie est-elle devenue si creuse que le soutien public à Gaza n’est toléré que lorsqu’il est commode ? L’humanitaire est-il réduit à un théâtre politique ?
L’Indonésie, en particulier, doit agir. Ses citoyens sont entravés pour avoir incarné des valeurs que la nation prétend chérir. Elle doit exiger leur libération et leur entière liberté de mouvement. Elle doit convoquer l’ambassadeur d’Égypte à Jakarta pour demander des comptes sur ces actes injustes. Et elle doit porter cette affaire devant les instances internationales, notamment l’Organisation de la coopération islamique (OCI), pour dénoncer toutes les formes d’obstruction des bombes israéliennes à la bureaucratie égyptienne.
Rafah est bien plus qu’un point de passage c’est la ligne de fracture entre la paralysie morale et l’éveil mondial. Plus il est verrouillé, plus le battement de cœur de la conscience mondiale se fait entendre. La Marche mondiale n’est pas simplement une manifestation. C’est une déclaration : l’humanité ne détournera pas le regard.
Du Madleen en mer aux marcheurs sur la terre, le message est le même : aucun pouvoir ne peut freiner un mouvement porté par la conviction. Et aucun silence ne peut effacer la douleur de Gaza.
Les citoyens indonésiens marchent non seulement vers Gaza mais vers l’âme de la politique étrangère de leur nation.
Il est temps que leur gouvernement marche à leurs côtés.