La communauté internationale commence lentement à sévir contre les combattants étrangers d’Israël et les bourreaux de Gaza.

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Des manifestants pro-palestiniens se sont rassemblés sur l’Embarcadero Plaza pour protester contre l’attaque israélienne sur Gaza lors de la Journée internationale d’Al-Qods, à San Francisco, en Californie (États-Unis), le 28 mars 2025.

En avril, en traversant l’aéroport d’une capitale européenne très fréquentée, il était difficile de ne pas remarquer la présence de centaines d’Israéliens disséminés dans les terminaux.

À première vue, pour un œil non averti, on pourrait confondre leurs traits hâlés et leurs accents étrangers avec ceux des nombreuses nationalités méditerranéennes. Mais en y regardant de plus près, on réalise qu’ils ne correspondent pas tout à fait aux caractéristiques des Italiens, des Grecs, des Espagnols, des Turcs, ni à celles des peuples du Levant ou d’Afrique du Nord.

Et lorsqu’on remarque une certaine désinvolture dans leur démarche, un air détaché, ainsi que la particularité de leur accent, on comprend finalement qu’ils sont sans aucun doute Israéliens.

Très bien, se dit-on d’abord, ce ne sont que des touristes venus d’un pays souvent au cœur de l’actualité. Mais on commence alors à remarquer que ce ne sont pas tous de joyeuses familles venues profiter d’un séjour en Europe. Parmi eux se trouvent de jeunes hommes et adultes en âge de servir, à la carrure athlétique, dont la manière de s’habiller et de se mouvoir correspond au stéréotype du soldat en permission.

Pour ceux qui suivent les événements au Moyen-Orient et ne sont pas complètement déconnectés de la réalité pour ne pas dire plus dans la bande de Gaza et les territoires palestiniens occupés, il arrive un moment où l’on comprend que c’est exactement ce qu’ils sont : des soldats. Et que la scène à laquelle on assiste n’est sans doute pas aussi innocente qu’elle n’y paraît.

Alors que des milliers de civils, de toutes nationalités et de tous horizons, passent à côté d’eux, sans se douter un instant que, parmi eux, se trouvent peut-être des individus qui ont été impliqués ou complices de crimes de guerre au cours de l’année écoulée ou lors de nombreux épisodes antérieurs.

Bien qu’il soit difficile de déterminer avec exactitude le nombre ou le pourcentage de touristes israéliens à l’étranger qui sont d’anciens ou actuels membres de l’armée israélienne en particulier ceux ayant participé à l’invasion et aux bombardements de Gaza on peut raisonnablement supposer que la majorité, voire l’immense majorité de ces touristes, sont liés d’une manière ou d’une autre aux forces d’occupation.

Comme on le sait, le service militaire est obligatoire en Israël pour les citoyens juifs, exigeant que les hommes servent trois ans et les femmes deux ans, entre 18 et 21 ans. C’est ainsi depuis la création de l’État d’Israël, il y a 77 ans, ce qui signifie que pratiquement tous les Israéliens juifs à l’exception de certaines catégories comme les Haredim orthodoxes ont servi dans l’armée israélienne à un moment ou à un autre de leur vie.

Les liens ne s’arrêtent pas là. Beaucoup restent mobilisables dans les réserves et peuvent être rappelés au combat si nécessaire. D’autres intègrent les structures de défense et de renseignement, en travaillant dans des agences nationales ou étrangères, ou dans des entreprises liées de près ou de loin à ce système.

Un Israélien travaillant dans une startup technologique à Tel Aviv, par exemple, pourrait toujours être accessible par l’armée en raison des contrats de son entreprise avec les forces d’occupation ou par la surveillance de collègues ou supérieurs issus de l’armée ou du renseignement et qui conservent des liens avec ces unités.

Un Israélien installé à Chypre ou aux États-Unis pourrait en être un autre exemple, son emploi ou sa double nationalité servant à masquer son passé militaire pendant qu’il gravit les échelons professionnels en se présentant comme un simple expatrié ou citoyen modèle.

L’unité 8200 du renseignement militaire israélien illustre bien ce phénomène : ses anciens membres ont fondé, dirigé ou intégré un vaste réseau d’entreprises à travers le monde, profondément enracinées dans l’écosystème de la Silicon Valley.

Bien sûr, tous les Israéliens en vacances ne sont pas membres de l’armée ou de l’industrie de l’armement, et parmi ceux qui le sont, tous n’ont pas nécessairement commis de crimes de guerre ni soutenu de telles violations. La société israélienne y compris ses composantes militarisées reflète la diversité et les divisions que l’on retrouve dans toute autre société. Cela est notamment visible à travers le nombre croissant de conscrits israéliens qui dénoncent les crimes de guerre ou refusent de servir.

Cela n’efface toutefois pas les inquiétudes légitimes. Le simple fait que tant de civils aient servi ou servent encore dans les forces d’occupation, ou qu’ils y soient liés, rend la probabilité d’une complicité dans le génocide à Gaza et l’occupation beaucoup trop importante pour être ignorée.

Et la communauté internationale commence justement à ne plus l’ignorer. Rien que l’année dernière, plusieurs pays et systèmes judiciaires ont entamé des actions contre des soldats et réservistes israéliens en vacances ou vivant à l’étranger.

En janvier, un tribunal brésilien a ordonné une enquête sur un soldat israélien présent dans le pays en tant que touriste, accusé d’avoir participé à des crimes de guerre à Gaza, notamment la destruction de maisons civiles. Il a fui le pays.

Au Royaume-Uni, la police a annoncé qu’elle allait examiner les signalements de citoyens britanniques ayant combattu à Gaza et pris part à des crimes de guerre. Un rapport de 240 pages a été transmis aux autorités, accusant dix Britanniques d’avoir participé à des déplacements forcés de civils palestiniens et à des attaques coordonnées contre des sites civils ou médicaux.

Dans d’autres pays européens aussi, des militaires israéliens ne se sentent plus en sécurité. En février, deux soldats israéliens ont fui Amsterdam par crainte d’une enquête pour crimes de guerre après avoir été identifiés sur les réseaux sociaux.

Ces affaires sont en grande partie dues au travail d’organisations comme Israel Genocide Tracker et la Hind Rajab Foundation, qui s’efforcent de repérer, identifier et suivre les soldats israéliens à l’étranger, en se basant sur des preuves comme des photos, vidéos ou contenus sur les réseaux sociaux.

Ces révélations ont mené à des mesures concrètes. Ce mois-ci, les Maldives ont interdit l’entrée aux détenteurs de passeports israéliens, et un hôtel au Japon a demandé à ses clients israéliens de signer une déclaration jurant qu’ils n’ont pas participé à des crimes de guerre.

L’armée israélienne a été contrainte de s’adapter à cette nouvelle réalité, imposant de nouvelles règles aux soldats et réservistes voyageant à l’étranger, notamment des consignes sur l’usage des réseaux sociaux, la discrétion médiatique et des mises en garde sur les risques juridiques à l’étranger.

Depuis longtemps, on sait que les soldats de l’occupation, en poursuivant les atrocités à Gaza et dans les territoires occupés pour tenter d’effacer les Palestiniens de leur terre, perdent la crédibilité et le respect d’une grande partie de la communauté internationale. Mais désormais, avec la multiplication des poursuites ciblées et des actions juridiques contre les criminels de guerre israéliens, ce prix à payer semble aller bien au-delà de la réputation.

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