Le monde arabe ne devrait pas ignorer la montée de l’islamophobie aux États-Unis

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Des manifestants se rassemblent pour exiger la libération de l'activiste palestinien Mahmoud Khalil, Foley Square, New York, 10 mars 2025.

Les tendances montrent une augmentation à la fois de l’islamophobie et de l’antisémitisme, mais aux États-Unis, la préoccupation est davantage exprimée pour ce dernier, souvent amplifié par des agendas pro-israéliens politisés et une animosité croissante envers les Arabes. Bien que cela puisse sembler être un problème uniquement pour les Arabes et les musulmans aux États-Unis, c’est en réalité un signe avant-coureur qui pourrait annoncer des problèmes à long terme pour ces communautés dans le monde entier.

La Maison-Blanche et le Congrès ont récemment intensifié leurs efforts pour sanctionner les étudiants pro-palestiniens en leur refusant leur droit constitutionnel à la liberté d’expression lorsqu’ils critiquent légitimement la violence israélienne contre les musulmans et les chrétiens dans la bande de Gaza.

En janvier, le président Donald Trump, avec le soutien du Congrès pro-israélien, a signé un décret visant à « combattre l’antisémitisme », exigeant des mesures plus strictes dans les universités.

La semaine dernière, par exemple, le gouvernement fédéral a supprimé 400 millions de dollars de subventions destinées à l’université Columbia, l’une des institutions éducatives les plus prestigieuses du pays, parce que ses étudiants ont protesté contre le massacre indiscriminé de femmes et d’enfants par Israël dans la bande de Gaza.

D’autres universités sont également ciblées, comme la prestigieuse université DePaul à Chicago, fondée par les Vincentiens, une organisation catholique aidant les pauvres. Des enquêtes ont été ouvertes contre quatre autres universités, accusées de tolérer l’antisémitisme, dont Northwestern University, dans la banlieue de Chicago, et l’université de Californie à Berkeley, souvent considérée comme un bastion de la liberté d’expression. Sont également visées Portland State University dans l’Oregon et l’université du Minnesota.

La campagne contre les manifestations pro-palestiniennes a été renforcée lorsque l’Anti-Defamation League (ADL) — une organisation politique qui assimile la critique du gouvernement israélien à la haine des Juifs — a publié le mois dernier les résultats d’une enquête prétendant montrer une hausse de l’antisémitisme.

Il ne s’agit pas d’une lutte contre l’antisémitisme, mais d’une campagne politique inconstitutionnelle visant à faire taire les défenseurs des droits des Palestiniens.

Pendant ce temps, la haine envers les Arabes aux États-Unis atteint un niveau record, mais elle reste ignorée et non traitée par la Maison-Blanche et le Congrès.

Une nouvelle tendance consiste à critiquer systématiquement tout ce qui est palestinien tout en défendant tout ce qui est israélien. Peu importe qu’Israël soit un pays étranger utilisant l’accusation d’antisémitisme comme une arme pour dissimuler ses crimes de guerre.

Les médias américains sont complices, rapportant chaque cas présumé d’antisémitisme dans des articles détaillés, tout en marginalisant les informations sur l’augmentation de l’islamophobie et en ignorant les actes de racisme contre les Arabes.

Tout cela découle de la politisation de la « haine ».

Le mois dernier, les démocrates au Congrès ont réintroduit un projet de loi intitulé « Combating International Islamophobia Act », qui a déjà été ignoré par les républicains et la Maison-Blanche. S’il était adopté, le département d’État serait tenu de créer un envoyé spécial pour surveiller l’islamophobie à l’échelle mondiale. L’un des principaux promoteurs de ce projet de loi est la députée Jan Schakowsky, une élue juive du Congrès qui adopte une approche plus modérée sur le conflit au Moyen-Orient que ses rivaux républicains.

En réalité, les préoccupations concernant la montée de l’islamophobie ont été davantage mises en avant ailleurs dans le monde qu’aux États-Unis, où de nombreux incidents anti-musulmans se sont produits. L’un des principaux acteurs alertant sur cette « montée alarmante » de l’islamophobie est l’ONU, ce qui lui a valu des critiques de la part d’Israël, de la Maison-Blanche et du Congrès. L’ADL, quant à elle, utilise systématiquement les accusations d’antisémitisme pour répondre aux préoccupations croissantes des responsables onusiens face à la violence israélienne contre les Palestiniens.

Contrairement aux États-Unis, le gouvernement britannique a créé le mois dernier un groupe de travail chargé de définir une approche de l’islamophobie, tout en soulignant que la lutte contre la haine anti-musulmane « doit être compatible avec le droit inaliénable des citoyens britanniques à la liberté d’expression ». C’est exactement l’opposé de l’approche adoptée par le Congrès et la Maison-Blanche, qui demandent des mesures plus strictes pour interdire les manifestations contre la politique israélienne.

Ces évolutions dans la manière dont l’Occident perçoit la haine envers certaines communautés alimentent un activisme politique qui fragilise le droit international et renforce ceux qui cherchent à faire taire les voix dissidentes contre des politiques favorisées ou des gouvernements étrangers privilégiés.

Cela peut ne pas sembler être un problème immédiat pour le monde arabe, mais c’en est un. Ces politiques, qui élargissent la définition de l’antisémitisme pour inclure la défense d’Israël tout en ignorant la montée de la haine contre les musulmans, marginalisent la lutte contre l’islamophobie.

Le mouvement politique visant à instrumentaliser le sentiment anti-musulman aux États-Unis fausse la perception du public. Privé d’une vision équilibrée, ce dernier risque d’adopter une version biaisée qui normalise l’islamophobie.

Le monde arabe et musulman doit intensifier ses efforts pour dénoncer l’islamophobie et le racisme anti-arabe. Jusqu’à présent, les préoccupations exprimées n’ont pas été suivies d’actions concrètes ni de financements pour sensibiliser l’opinion publique et contrer cette haine croissante.

Pour la région, il peut sembler anodin que l’islamophobie soit encouragée et instrumentalisée aux États-Unis, mais cela aura des conséquences à long terme pour les pays du Moyen-Orient qui espèrent améliorer leurs relations avec l’Amérique et l’Occident.

Le monde arabe devrait se montrer plus vocal dans la défense des droits des manifestants pro-palestiniens dans les universités américaines, sous peine de voir se renforcer une hostilité croissante des Américains envers le Moyen-Orient.

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